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Gerard Oury

Gérard Oury s’est éteint le 20 juillet 2006 à l’âge 87 ans. Fidèle ami de l'AEJS, il avait accepté d’être notre invité d’honneur à notre dîner il y a quelques années.

En l’espace de deux films qui figurent parmi les plus inoubliables succès comiques du cinéma français - on a reconnu Le Corniaud et La Grande Vadrouille -, Gérard Oury sera devenu, au cours des années 1960, le roi incontesté de la comédie hexagonale. Ces succès sont l’œuvre d’un homme déjà mûr avec une longue et éclectique carrière derrière lui.

Né Max Gérard Tannenbaum, le 29 avril 1919 à Paris, dans un foyer intellectuel et artiste - sa mère est journaliste à Paris Soir, son père est un violoniste classique -, il s’oriente d’abord vers la carrière d’acteur. Après avoir suivi les cours de René Simon, il entre au Conservatoire d’art dramatique en 1938, en compagnie de Bernard Blier et François Périer. La date n’en est pas moins fort mal choisie pour qui s’appelle Tannenbaum et entend destiner sinon son nom, du moins sa personne à la notoriété publique. Réfugié en Suisse, à Genève, il y poursuit vaille que vaille sa carrière de comédien. A la Libération, on le retrouve tant au théâtre (dans Les Vivants d’Henri Troyat, donné en 1945 au Vieux-Colombier) qu’au cinéma, où Jacques Becker lui donne sa chance dans Antoine et Antoinette (1948). C’est entre ces deux pôles qu’il naviguera jusqu’à l’orée des années 1960, multipliant les rôles pour le grand écran, où on le verra notamment dans La Belle que voilà (1949) de Jean-Paul Le Chanois, La nuit est mon royaume (1951) de Georges Lacombe, La Fille du fleuve (1954) de Mario Soldati, La Meilleure Part (1955) d’Yves Allégret ou encore Le Dos au mur (1958) d’Edouard Molinaro.

 

L’année 1959 marque son passage à la réalisation, avec La Main chaude, une étude de mœurs dont il cosigne le scénario avec Jean-Charles Tachella et Jean-Charles Pichon. Suit La Menace, une adaptation des Mariolles de Frédéric Dard, réalisée un an plus tard, laquelle précède le premier succès public obtenu par Le crime ne paie pas (1962). Inspiré des bandes desssinées de Paul Gordeaux parues dans le quotidien France Soir, le film réunit notamment Michèle Morgan, Edwige Feuillère, Danielle Darrieux et Pierre Brasseur. Son succès permet surtout au réalisateur novice qu’est encore Gérard Oury de se consacrer entièrement à sa nouvelle carrière et de peaufiner, aux antipodes de la noirceur cultivée jusqu’alors, son film suivant, qui le propulsera au faîte de la gloire.

 

Ainsi naît Le Corniaud, qui réunit au cours d’un voyage mouvementé en Italie la grande vedette du moment, André Bourvil, et un obscur aspirant comique, rencontré sur le tournage du Crime ne paie pas, répondant au nom de Louis de Funès. Précédé d’une fâcheuse réputation - prolongation du tournage, producteur courant à la ruine... -, le film inaugure contre toute attente la constitution d’un duo comique dont la performance antagoniste - le gentil garçon issu du populo et le bourgeois atrabilaire et teigneux - va faire des étincelles.

 

Sorti sur les écrans en 1964, le film atteint le chiffre record de plus de neuf millions d’entrées, et bouleverse en même temps la hiérarchie des comiques français en faisant du sidérant Louis de Funès la nouvelle et durable coqueluche des zygomatiques de France et de Navarre. Plus encore, il permet à la fine équipe qui s’est constituée pour l’occasion - le réalisateur Gérard Oury, le producteur Robert Dorfmann, le coscénariste Marcel Jullian et les deux acteurs - de repasser les plats au cours de cet autre voyage, dans l’espace mais aussi le temps cette fois, qu’est La Grande Vadrouille (1966). Rejoints par la fille du cinéaste, Danièle Thompson, qui participe à son écriture, ces braqueurs de la comédie populaire française s’apprêtent cette fois à décrocher la timbale, en entraînant à leur suite sur ce coup fumeux quelque 17 millions de spectateurs. La superproduction comique est née, elle aura, jusqu’aux Visiteurs et autres Taxi, beaucoup d’émules.

 

L’extrême ingéniosité du plan consiste en l’occurrence à maintenir la même dichotomie entre les membres du tandem, mais à les faire malgré tout jouer ensemble contre plus méchant qu’eux. Dans l’imaginaire collectif de le France des années 1960, où l’histoire de la collaboration n’a pas dit son premier mot, ces méchants sont servis comme sur un plateau par l’Histoire : c’est l’armée d’occupation teutonne. De Funès en concertiste, et Bourvil en peintre en bâtiment, la défient avant de la défaire par le rire, sacrifiant à la mythologie nationale des deux visages antagonistes de la France envers et malgré tout unis contre l’oppresseur.

 

Par-delà le talent des auteurs du film et de son partenaire, il apparaît clairement qu’avec de Funès, quelque chose vient de bouger dans la typologie d’une comédie nationale jusqu’à présent centrée sur l’art du dialogue. De Funès n’y réintroduit pas seulement une présence corporelle insolite. Il y fait prévaloir, bien au-delà, l’élasticité surréelle d’un visage qui n’a plus rien d’humain, un enfièvrement du débit qui ravale le langage au rang d’accessoire inepte, une énergie rageuse, absurde et destructrice qui rappelle la grande époque du burlesque. De Funès, en un mot, fait passer au rire français la frontière de la décence et de l’intelligibilité, pour renouer avec ce que celui-ci a, fondamentalement, de terrifiant et d’inassignable. Ne serait-ce que pour avoir le plus admirablement su servir ce génie comique, Gérard Oury restera dans l’histoire du cinéma.

 

C’est en revanche avec un bonheur inégal qu’il tentera par la suite de renouveler la fructueuse recette du duo comique. La présence de De Funès permet encore de sauver l’essentiel, que ce soit aux côtés d’Yves Montand dans La Folie des grandeurs en 1971, ou à ceux d’Henri Guybet dans Les Aventures de Rabbi Jacob en 1975, qui confine encore à un franc délire sur fond de chaude actualité moyen-orientale. L’association de Pierre Richard et Victor Lanoux dans La Carapate (1978) trahit par contre l’essoufflement de la formule, et plus essentiellement l’annonce de la perte de vitesse du cinéma de Gérard Oury face aux forces montantes du comique français, cultivées dans les arrière-cours post-soixante-huitardes du café-théâtre avant de s’incarner triomphalement à l’écran, à l’image de la troupe du Splendid, au cours des années 1980.

 

Venu de l’esprit d’insubordination des années 1970, ce comique s’impose à une époque où le rêve de révolution sociale est cloué au pilori par une société qui a fait du profit et du reniement ses valeurs cardinales. Ce comique est donc naturellement amer, veule et cynique. Il n’a plus de valeur, plus de croyance, il s’exerce dans la mauvaise conscience de ceux qui ont trahi et tend à tous ceux qui en rient à défaut de s’y reconnaître le portrait d’une médiocrité et d’une compromission triomphantes. Gérard Oury, qui ne fut jamais, lui, un révolutionnaire, n’est ni de cette génération ni de ce monde. Son rire implique encore une vertu d’innocence, une pérennité des grands mythes nationaux, une conception possiblement délirante mais toujours élégante de l’humour populaire.

 

La décennie ne lui appartient plus, mais aux Bronzés de Patrice Leconte et aux Ripoux de Claude Zidi. L’époque change, et le cinéma la suit, avec son public qui se morcelle en secteurs irréconciliables. Gérard Oury, qui n’a pas pour autant renoncé à être dans la course, en fait les frais avec L’As des as (1982), épopée relativement poussive avec Jean-Paul Belmondo en débonnaire héros antinazi, dont le poids promotionnel est dénoncé publiquement pour protester contre le sort dévolu à Une chambre en ville de Jacques Demy. Le réalisateur va ensuite chercher, avec La Vengeance du serpent à plumes (1984), la plus truculente figure de ce nouveau comique qui est en train de lui échapper (Coluche), sans vraiment y gagner au change. Les titres s’enchaîneront désormais sans guère de conséquence depuis Levy et Goliath (1987) jusqu’à Fantôme avec chauffeur (1996), qui dénote une mélancolie inhabituelle chez le réalisateur. Enfin, Le Schpounz (1999), remake du film de Marcel Pagnol (1938) avec Smaïn dans le rôle de Fernandel, évoque tout à la fois l’impuissance avérée d’un créateur trahi par le genre versatile qu’il aura pourtant fidèlement servi, et l’irrévocable nostalgie qui le saisit en cette fin de parcours.

 

Ironie du sort : passé la déferlante de mesquinerie cynique fondée sur l’idée de la communauté impossible, on assiste à la même époque en France au grand retour de la formule du duo comique greffé sur la résurgence des vieilles lunes mythologiques. Des Visiteurs (Clavier/Réno) jusqu’à Taxi (Nacéri/Diefenthal), du voyage régressif dans le Moyen Age jusqu’à l’invasion des gangs teutons, d’un Christian Clavier reconverti à l’école de Funès à un Samy Nacéri roi de l’embrouille antisociale, c’est bien l’ombre de Gérard Oury qui revient chatouiller les pieds du comique populaire français.

 

Jacques Mandelbaum

 

Source : Le Monde du 20/07/2006 

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3382,36-797051@51-797059,0.html




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