Adhérer à l'association

Panier

Example of shopping-bag Votre panier est vide. Commencer vos achats ?
Commander
bandeau page

RAOUL NORDLING 1882-1962


Dès 1949, Raoul Nordling avait sa place dans la cour d’honneur du lycée Janson de Sailly. Le texte de la plaque posée sur le mur du lycée à côté de l’entrée de la salle des professeurs rappelait « son action héroïque et décisive » en août 1944. Cette plaque a été posée à l’initiative du président des anciens élèves du lycée en 1949. Elle permet aux générations futures de ne pas oublier l’action décisive de Raoul Nordling dans la Libération de Paris1 .

Qu’est-ce qui a conduit Raoul Nordling, consul de Suède, à vouloir sauver Paris de la destruction annoncée ?

 

Une enfance et une adolescence plus française que suédoise :

 

 

Raoul Nordling est né de père suédois et de mère française le 14 novembre 1882 comme l’atteste l’acte de naissance conservé aux archives de Paris. Son père Gustaf Nordling, fils de pasteur luthérien, était originaire de Stigsjö, petite ville de la côte est, au nord de la Suède. Nommé vice-consul de Suède à Paris dans les années 1870, il épouse en 1878 une jeune Française auvergnate et protestante, Marguerite Turtache. Ils ont sept enfants, Raoul est le troisième de la fratrie.

La famille partage son temps entre Paris et Cepoy situé dans la Loiret. Gustaf Nordling y avait acheté une propriété en 1901. Dans la mémoire des habitants, il reste comme « le consul suédois protestant qui avait participé à la restauration de l’église de Cepoy et parlait latin avec monsieur le curé » ! Comme ses deux sœurs Renée et Alice, Raoul Nordling fréquente l’école communale de Cepoy puis entre au lycée Janson de Sailly en 1894 en classe de 6ème C. Parmi ses camarades de classe, se trouve Jules Supervielle, grand poète du XXème siècle. Il obtient dans cette classe une mention en histoire-géographie et un accessit en récitation. L’élève Nordling a plus d’intérêt pour l’histoire et le grec que pour les sciences. Il est à l’aise en anglais, ne fait pas d’allemand. En classe de 4ème, il obtient le 4ème accessit d’exercices grecs. Nous le retrouvons en classe de philosophie en 1900-1901. « Cette classe est peu disciplinée » selon le professeur de philosophie M. Dauriac qui se plaint des nombreuses absences de ses élèves. Raoul Nordling d’ailleurs ne finit pas l’année scolaire, sans doute rattrapé par ses obligations militaires. C’est à ce moment-là seulement qu’il apprend le suédois. Mais au cours de cette année, il a acquis le sens de l’argumentation ! Ainsi, à Janson, il a pris, « dans une maison de fortes études, de bonne discipline et de belle humeur, goût aux choses sérieuses, même aux côtés sévères de la vie. »

 

 

 

Après ce court épisode en Suède il revient à Paris, entre dans la société paternelle, « la société des pâtes à papier Nordling », et en devient directeur en 1916.

Dès 1905, également, il est nommé vice-consul puis consul en 1917 après la mort de son père. Il s’installe à la butte Montmartre où il fréquente les milieux d’artistes et parmi eux Suzanne Valadon et Utrillo… . Dans ses mémoires il ne cache pas des « sentiments de chaude et profonde affection envers la France qui est (sa) seconde patrie »3 . Il entre au conseil d’administration d’Alfa-Laval, SKF et AGA. Il s’affirme comme un remarquable homme d’affaires.

 



Raoul Nordling au cercle suédois rue de Rivoli

 

Une vie partagée entre le souci de sa famille et la diplomatie

En août 1914, Alice Fiévet, sa jeune sœur, perd son mari, tué à la tête de sa batterie alors qu’elle vient d’accoucher de son troisième enfant. Raoul Nordling l’installe à Cepoy et pourvoit dès lors à l’éducation de ses neveux et nièces. Il en fait de même avec son autre sœur Renée. Ainsi s’exprime son sens aigu de la famille et son souci d’aider les plus en difficulté.

Cette action au sein de la famille trouve son prolongement dans la diplomatie quand il s’agit de défendre la neutralité de la Suède vis-à-vis des États belligérants comme la France et l’Allemagne. Raoul Nordling réussit à organiser une correspondance diplomatique entre Paris et Moscou, alors que la suprématie de la marine allemande sur la mer Baltique empêchait cette correspondance diplomatique entre la France et la Russie, et à mettre en place un service de colis destiné aux prisonniers de guerre français détenus en Allemagne.

C’est très probablement à partir de ce moment-là que Raoul Nordling s’est fixé comme priorité de sauver des vies humaines comme le montre son action par la suite.

Dans l’entre-deux guerres, il poursuit son action diplomatique en expliquant ce que signifiait la neutralité suédoise et en particulier l’attitude du gouvernement au moment de la guerre russo-finlandaise. Il essaie aussi de dissuader le gouvernement de lancer l’opération franco-britannique en Norvège au printemps 1940, opération qui avait pour objectif de mettre la main sur les mines de fer en Laponie suédoise mais ses efforts ne sont pas couronnés de succès. Juin 1940 : la France est occupée et coupée en deux par la ligne de démarcation. Le gouvernement du maréchal Pétain s’installe à Vichy et les diplomates étrangers doivent le suivre. Néanmoins les autorités allemandes acceptent que les consuls résident à Paris. Raoul Nordling y séjourne pendant toute la guerre, assurant la défense des intérêts suédois mais aussi des intérêts en France de plusieurs pays belligérants : Argentine, Grèce, Mexique, Pays-Bas, Norvège et URSS. Pour correspondre avec Stockholm, il utilise les courriers diplomatiques certes mais surtout la légation suédoise de Berlin.

Ses relations avec les autorités allemandes sont réduites au minimum. Après le débarquement du 6 juin 1944 la situation se détériore à Paris et Raoul Nordling se préoccupe du sort des prisonniers politiques : « L’heure était venue. Si l’on mettait cartes sur tables, et si l’on parlait franchement et directement avec les Allemands, il serait certainement possible — j’en étais intimement convaincu— de sauver cinq à six mille innocents. ».4

Il rejoint la grande Histoire en 1944 : les journées dramatiques du 18 au 25 août 1944

Devenu doyen du corps diplomatique, il est le seul avec René Naville, consul de Suisse, tous deux représentants de pays neutres, à être en contact avec les deux camps ou plutôt les trois camps : les Allemands, le gouvernement de Vichy et les représentants du général de Gaulle.

De ces jours dramatiques d’août 1944, trois événements sont à retenir : la libération des prisonniers français, la trêve, la capitulation du général von Choltitz.

La libération des prisonniers français : le nombre de prisonniers détenus à Paris est difficile à établir. Les historiens estiment leur nombre entre 7000 et 8000 prisonniers. Si Raoul Nordling ne peut empêcher le 15 août le départ de Pantin d’un convoi de 2400 prisonniers pour l’Allemagne et celui du 18 août depuis Compiègne, il décide néanmoins « d’engager dès les premières heures du jour, une action énergique afin d’arracher aux Allemands leur consentement dans l’affaire des détenus politiques »5

 

 

Commencent alors de multiples discussions directes ou par téléphone dans un Paris insurgé entre Raoul Nordling, le général Von Choltitz, le chef du gouvernement de Vichy et le cardinal Suard. Le consul de Suède finit par obtenir un accord : Raoul Nordling assisté de la Croix Rouge Française pourra prendre « la responsabilité » des prisonniers politiques détenus dans les prisons, les hôpitaux, les camps de la région parisienne et les trains en partance pour l’Allemagne ; s’ensuit une course épuisante dans les différents lieux de détention, rue du Cherche-midi, Fresnes, Romainville, Drancy... . Il y a des échecs mais aussi des succès et ainsi plus de 3200 prisonniers qui risquaient d’être déportés ou massacrés retrouvent la liberté.

La trêve : alors que Raoul Nordling s’épuise à faire libérer les prisonniers le signal de l’insurrection est donné à Paris le 19 août. Mais le combat est inégal. Face à des occupants lourdement armés et organisés, les forces de la Résistance sont bien maigres. Raoul Nordling réussit à rencontrer le général Von Choltitz à l’hôtel Meurice. Après une journée de négociations, le consul obtient qu’une trêve puisse être signée entre l’occupant et les combattants de la Résistance. Le texte de la trêve est âprement discuté tant par les Français que par les Allemands mais finit par entrer en vigueur pour 72 heures maximum. Il y a eu de nombreux moments de rupture de part et d’autre mais dans l’ensemble Paris resta calme tandis que les armées alliées s’approchaient de la capitale.

La capitulation du général Von Choltitz : Raoul Nordling se rend compte que les Allemands commandés par le général Von Choltitz ne se rendraient pas sauf à des représentants d’une armée régulière. Naît l’idée d’aller à la rencontre des Alliés pour hâter leur marche sur Paris. Frappé par une crise cardiaque le 22 août, Raoul Nordling délègue à son frère Rolf la négociation auprès du général Bradley dont le quartier général est établi à l’ouest de Paris. Après de longues discussions, le général Bradley donne l’ordre au général Leclerc de rouler vers Paris. Le général Leclerc entre dans Paris le 24 août dans la soirée.

Remis de son malaise, Raoul Nordling fait à nouveau l’intermédiaire et transmet non sans mal l’ultimatum de la part de l’armée française. Le 25 août, le général allemand fait savoir qu’il est prêt à déposer les armes à l’instant même où des troupes françaises régulières pénétreraient dans l’hôtel Meurice. Une demi-heure plus tard, les troupes françaises pénètrent dans l’hôtel et Von Choltitz se rend. Il est emmené à la préfecture de police où il signe une convention de reddition avec le général Leclerc et le colonel Rol 6 . Progressivement les différents postes allemands se rendent plus ou moins sans combattre. Au soir du 25 août, « Paris était entièrement aux mains des Alliés. .... Le consulat avait joué son rôle jusqu’au bout, et les Français étaient entrés en possession de leur belle capitale »7 sans que celle-ci n’ait eu de destructions massives. Ces moments de haute intensité dramatique ont été évoqués dans la pièce de théâtre « Diplomatie » jouée au théâtre de La Madeleine en 2011, pièce où s’affrontaient dans un jeu de puissance contenue Niels Arestrup et André Dussolier, pièce reprise dans le film du même nom.

 

Un rôle difficile à faire reconnaître après 1945 :

 

Après la guerre, Raoul Nordling retourne à ses affaires, à la société des pâtes à papier et à ses activités consulaires. Ainsi, il intervient en faveur de Louis Ferdinand Céline, réfugié au Danemark, pour s’opposer à son extradition.

Il fréquente le cercle suédois dont il a été le président de 1926 à 1934 et reçoit de nombreuses décorations : la Croix de Guerre avec palme en 1949. A cette occasion est dévoilée la plaque de la cour d’honneur du lycée. Il est nommé citoyen d’honneur de la ville de Paris en 1958 et chevalier de la Légion d’honneur en 1962. À partir de 1955 et jusqu’à son décès en 1962, il s’installe à Orgeval à la villa du hameau de la Juste Pie. Cela ne l’empêche pas de retourner régulièrement à Cepoy dont il a été un grand bienfaiteur et où il est inhumé.

 

Le devenir du texte « Sauver Paris »

En juin 1945, devant une assemblée d’anciens combattants du 89ème régiment d’infanterie, il revient publiquement sur son rôle lors des journées d’août 1944 et évoque le « livre de bord » qu’il avait tenu. Il veut l’étoffer et demande à un de ses amis, Victor Vinde, de l’aider dans cette entreprise. Comme Raoul Nordling, Victor Vinde est membre du Cercle suédois et est alors un journaliste économique et politique reconnu en France et en Suède. Le texte écrit en suédois et traduit en français, sans doute par Rita Vinde, épouse de Victor, n’est cependant pas publié car le ministère suédois des affaires étrangères ne l’autorise pas. Ce tapuscrit est alors déposé dans le coffre de la société Nordling et redécouvert par son neveu et ancien collaborateur Edouard Fiévet lors d’un nouveau déménagement de l’entreprise. Ce dernier confie le tapuscrit au fils de Victor Vinde, Pierre Vinde, qui propose à Fabrice Virgili, historien de la Libération et d’origine suédoise, d’y travailler et de le publier. Ainsi un des premiers textes écrits sur cette période a été le dernier publié, ce qui permet de renouveler et de préciser certains faits.

 

1 Le discours de J-J Dumoret est disponible sur le site de la mairie de Cepoy : https://www.ville-cepoy.fr/raoul-nordling/
2 1887, mots de l’Inspecteur général Glachant qui s’exprimait sur le devenir du lycée Janson.
3 Raoul Nordling, « Sauver Paris, mémoires d’un Consul de Suède » p.43, petite bibliothèque Payot, Histoire, 2019.
4 Raoul Nordling, op.cité p. 129
5 Raoul Nordling, op.cité p. 150
6 Le colonel Rol-Tanguy est à cette date le commandant des FTP et coordonne les combats parisiens.
7 Raoul Nordling, op. cité p. 239 

 

Bibliographie :

Documents du lycée : palmarès, albums de classe 1995-1896, 1900-1901.
Raoul Nordling, « Sauver Paris, mémoires d’un consul de Suède », petite bibliothèque Payot, Histoire. La préface est écrite par Fabrice Virgili.
Raoul Nordling et Orgeval. Bulletin Histoire d’Orgeval n°22. Janvier 2017.
Sur Raoul Nordling et la ville de Cepoy : https ://www.ville-cepoy.fr/raoul-nordling/
Site officiel de l’ambassade de Suède : article sur Raoul Nordling.
Fabrice Virgili La résistance en Ile de France, AERI, 2004.

 

Cour d’honneur du lycée Janson de Sailly, 106 rue de la Pompe, 75116 Paris

 

 




Logo

L’Association amicale des anciens élèves du lycée Janson-de-Sailly, Les Jansoniens (AEJS), existe depuis 1891, sept ans après l’ouverture du lycée. Fidèle à la tradition de Janson qui a toujours cultivé l’excellence, le pluralisme, et porté haut les valeurs de la République, solidement ancrée dans les réalités du monde contemporain, Les Jansoniens sont délibérément tournés vers l’avenir, vers celles et ceux qui fréquentent aujourd'hui l'établissement, qui se préparent à animer, vivre et piloter le monde de demain. Les Jansoniens n'oublient pas pour autant celles et ceux "qui sont passés par Janson", ravis de retrouver avec Les Jansoniens des amis, un climat, une ouverture et une communauté d'esprit qui ont marqué de leur empreinte leur personnalité.

S’inscrire en ligne

Derniers articles Tous les articles

  • Un artiste à l'école
    Un artiste à l'école

    22-01-2024

    Mercredi 17 janvier 2024,; dans le cadre du dispositif "Un artiste à l'école, nous avons eu la visite de Lionel Koechlin, ancien élève du collège Janson, scolarisé de 1961 à 1963. Après une visite de l'établissement, qui a rappelé d'émouvants souvenirs à M. Koechlin et sa femme - également ancienne élève de Janson en CPGE -, un bon déjeuner, nous avons accédé à la salle d'Arts plastiques, où nous attendaient M. Blineau et ses élèves de 1ère et terminale.

Contactez-nous

Association amicale des anciens élèves du lycée Janson-de-Sailly

Via notre formulaire
Envoyez-nous un e-mail
106 rue de la Pompe
75116 Paris

Copyright 2024 © AEJS. Tous droits réservés. Mentions légales - Politique de confidentialité - Conditions générales de vente - La fondation - Réalisation Website-modern