Au lycée, ce mardi 10 novembre à 11h, devait avoir lieu une cérémonie de commémoration non seulement de l’armistice de 1918 mais aussi de la manifestation des lycéens et étudiants parisiens le 11 novembre 1940 devant l’Arc de Triomphe, manifestation interdite par les autorités, françaises et allemandes qui occupaient Paris. Ce 11 novembre devait être aussi l’occasion d’évoquer ceux qui avaient fréquenté Janson et qui ont laissé leur vie lors des combats des années 1939-1940.
Les Jansoniens ont tenu à donner le relief qu’ils méritent à ces noms, gravés dans la pierre du monument aux morts du lycée.
Qui étaient-ils, ces combattants qui ont répondu à l’appel de la mobilisation générale comme leurs anciens l’avaient fait en 1914 ? Où et dans quelles circonstances sont-ils tombés, victimes de ces « premiers » combats qui ne s’achèveront que le 8 mai 1945 ?
Marielle Vichot* a consulté le Livre d’or du lycée, établi en 1947, qu'elle a croisé avec plusieurs sources complémentaires. Ce livre regroupe les noms des anciens élèves morts pour la France, des élèves fusillés et des élèves morts en déportation, des élèves résistants, des fonctionnaires, des agents et des élèves décorés et cités. Il comporte également les noms et les citations d’élèves présents au lycée en 1947. Ce livre d’or a depuis été complété par la liste des 27 élèves juifs déportés à Auschwitz en 1942.
Voici leurs noms et ce que nous savons d’eux comme combattants, en croisant les sources. Leur histoire jansonienne reste à écrire.
Maurice WALLON, fils d’Etienne Wallon professeur de physique nommé dès l’ouverture du lycée en 1984 qui avait beaucoup œuvré entre 1914 et 1918 pour l’accueil des réfugiés du nord de la France. Maurice Wallon était membre du Conseil d’Administration et Président de l’Association des Parents d’élèves. Il est mort pour la France le 18 juillet 1940 des suites des blessures reçues le 19 juin 1940.
Jacques BAGUENIER-DESORMEAUX, né le 23 ou 26/07/1888. Sous-Lieutenant au 14ème Régiment des Tirailleurs Algériens, tué à Sedan le 16 mai 1940. Il était écrivain et son nom figure au Panthéon sur le mur consacré aux écrivains morts au champ d’honneur.
Pierre BAIZE, né le 22/03/1912. Sous-Lieutenant au groupe de chasse 1/3, issu de la promotion Guynemer de l'école de l'Air (1935/1936), tué le 21 septembre 1939. Chevalier de la Légion d'Honneur, croix de guerre 39/40. Il a été le premier pilote de chasse français mort dans cette guerre. Parti du terrain de Vélaine-en-Haye (54) à 15h00 pour une mission de protection d'avions de reconnaissance au-dessus de la Sarre, il est touché en combat aérien à bord d'un chasseur Morane Saulnier 406, tente de s'éjecter de l'avion en flammes, mais à trop basse altitude, le parachute ne peut s'ouvrir complètement. Il est mort dans la chute vers 15:30. Il a été abattu par Erich MIX, (1898-1971), officier de réserve, Hauptmann du I/JG 53 (Jagdgeschwader), as de guerre, ancien pilote de 1914-1918, ancien maire de Tilsit puis de Wiesbaden.
Jean BELAUD, Capitaine au 21ème régiment d’Infanterie, blessé le 3 juin 1940 et mort à Rennes des suites de ses blessures. Il a reçu la citation suivante : « Officier commandant de compagnie d’accompagnement, ayant de brillantes qualités de chef et une haute valeur morale. Devant Amiens, où il s’occupait avec son unité le quartier le plus sévère du régiment, a conservé tout son calme, sous les plus violents bombardements, sans cesse près de ses troupes les plus avancées, a réussi à arrêter les attaques répétées de l’infanterie ennemie.
Très crâne sous le feu, a été un des meilleurs officiers du régiment.
A été mortellement blessé le 3 juin 1940, à la forêt d’Ailly, près de Ferrières (Somme), alors qu’il assurait personnellement sous un bombardement meurtrier, le ravitaillement de ses groupes avancés. Est décédé des suites de ses blessures le 25 décembre 1940 à Rennes.
Le présent ordre comporte l’attribution de la Croix de guerre avec palme.
Jean BOBY DE LA CHAPELLE, né le 3/04/1903. Lieutenant au 71ème RAD tué à l’ennemi le 9 juin 1940 à Évreux lors du premier bombardement de la gare.
Philippe de BROGLIE
Édouard BROGLY, Sous-Lieutenant d’Artillerie, mort pour la France le 6 juin 1940, Croix de guerre, Chevalier de la Légion d’Honneur attribuée en 1943.
Henri CHARBONNEAUX, né le 28/08/1912, Sous-Lieutenant au 4ème groupe autonome d’artillerie coloniale, mort le 23 mai 1940 au pont du chemin de fer de Ham.
Jacques CRESCENT, né le 7/04/1919. Sous-Lieutenant au groupe d’aviation de bombardement 2/32, mort le 2 octobre 1940 à Agadir (Maroc).
Jean DESPREZ, né le 29/09/1919. Élève de l’École polytechnique. Sous-Lieutenant au 91ème régiment d’Artillerie, mort le 9 juin 1940 à Baslieu les Fismes (Marne).
André FAYOLLE
Jean-Louis FESTAL, né le 25/05/1917. Admis à l’ESTP, Aspirant au 10ème régiment d’Artillerie, mort le 6 juin 1940 au nord de Chilly (Somme). Cité à l’Ordre de l’Armée. Lui sont attribuées la Médaille militaire et la Croix de guerre avec cette citation : "Jeune aspirant d'un courage et d'un allant magnifiques, volontaire pour toutes les missions dangereuses. Au cours de l'attaque allemande du 3 juin 1940, au Pressoir, s'est offert pour aller chercher dans le groupe voisin une pièce de 75 destinée à la défense antichars du point d'appui. A assuré les fonctions de pointeur de cette pièce sous le feu violent des mitrailleuses et des canons, détruisant trois engins blindés. Encerclé, a été mortellement blessé, le 6 juin 1940, à Chilly (Somme), en tentant de traverser les lignes ennemies."
Louis GENDRON, né le 27/08/1901. Soldat affecté au 42ème dépôt militaire au Mans, mort des suites de ses blessures le 13 mars 1940.
Pierre GIROD, né le 3/07/1912. Soldat au 30ème régiment d’artillerie, tué le 17 mai 1940 à Sorbais (Aisne).
Jean-Léon GUERIN, soldat tué le 19 juin 1940 sur le Cher.
Claude GUILHERMET, né 15/01/1914. Sous-Lieutenant au 154ème Régiment d’Infanterie de Forteresse basé sur la ligne Maginot, tué le 18 décembre 1939, cité à l’Ordre de l’Armée : « Officier d’un sang-froid et d’un courage remarquables. Blessé mortellement à la tête de son groupe temporaire en portant aide à une patrouille aux prises avec un ennemi supérieur en nombre. A permis par son action de faire deux officiers et deux sous-officiers allemands prisonniers » - Croix de guerre, Chevalier de la Légion d’Honneur.
Pierre HEILBRONN, né le 15/05/1895. Lieutenant au 2e Groupe franc de Cavalerie motorisée (2e GFCM). Croix de Guerre1914-1918, Officier de la Légion d’Honneur en 1917, tué le 12 juin 1940, cité à l’ordre du Corps d’Armée en 1940 : « S’est brillamment conduit au cours des combats des Andelys. A été pour ses hommes le plus bel exemple de courage et de sang-froid. Porté disparu." Conseiller municipal de Crisenoy (77) - Licencié ès lettres et en droit - Son nom figure sur la sépulture familiale au cimetière Montparnasse - Parents morts en déportation à Auschwitz.
Georges JUILLARD, tué le 15 mai 1940 en Belgique.
Philippe LE BAS, Agent de liaison, tué le 28 mai 1940 à Dunkerque.
Louis LEPEU, né le 14/09/1912. Sous-Lieutenant d’aviation à la 31ème Escadrille de bombardement, tué le 10 juillet 1940 à Touza (Maroc). Enterré au cimetière de Passy (Paris). Cité à l’ordre de l’Escadre et à l’ordre de la Brigade.
Philippe LESTELLE, né le 12/04/1913. Lieutenant au 27ème Groupe de Reconnaissance - division infanterie, tué le 10 mai 1940 à Eeklo (Belgique), a été aussi élève à l’École libre des Sciences politiques.
Paul-Charles LEVITTE, né le 23/01/1916. Sous-Lieutenant au 7ème Bataillon de chars légers, Chevalier de la Légion d'Honneur, Croix de Guerre décernée le 2/06/1940 pour sa bravoure à la contre-attaque de Chémery (08) - Tué le 10 juin 1940 au combat dans son char FCM 36. Cité « Jeune chef de section qui a su, par son allant et sa vigueur, prendre un ascendant considérable sur ses chasseurs et a donné dans le combat un magnifique exemple d’héroïsme et de bonne humeur. Engagé, au cours d’une contre-attaque, contre une unité blindée supérieure par le nombre et largement, a sous le feu, tenté de dépanner les appareils immobilisés et a contribué à neutraliser l’ennemi. »
Jacques LOYER, né le 5/03/1903. Capitaine au 37ème régiment d’Artillerie, tué le 5 juin 1940 à Rumigny (Somme), cité à l’ordre de l’Armée, Chevalier de la Légion d’Honneur.
Guy DE LOYNES D’AUTROCHE, Sous-Lieutenant au 37ème régiment d’Artillerie, cité à l’Ordre du Corps d’Armée.
Hugues DE MONTMORIN SAINT HEREM, né le 2/12/1911. Lieutenant au 3ème Groupe de Reconnaissance - division d’infanterie, tué le 8 décembre 1939 à Rumeldorf (canton de Bouzeuville, Moselle) localité alors allemande. Cité à l’Ordre de l’Armée : « Officier d’élite, d’une énergie et d’une bravoure à toute épreuve, toujours volontaire pour les missions les plus périlleuses et les plus hardies. Commandant le corps temporaire d’un GRDI et chargé d’exécuter un coup de main, a pris les dispositions les plus judicieuses pour mener à bien cette opération, au cours de laquelle il a été mortellement blessé. Restera pour son unité un honneur et un exemple. » Chevalier de la Légion d’Honneur.
François DE MOUTIS, né le 28/07/1912. Soldat au 103ème régiment d’Infanterie, tué le 13 juin 1940 à Luzancy (Seine et Marne). Cité à l’Ordre de l’Armée : « Soldat de 1ère classe, très bon mitrailleur, courageux et dévoué ». « A été tué sur sa pièce alors qu’il prenait à partie des éléments ennemis embusqués sur le talus de la voie ferrée au nord de Luzancy, le 13 juin 1940 ». Médaille militaire, enterré au cimetière de Passy (Paris).
Jean-Maurice MUSLACK, né en 1914. Lieutenant au 120e Régiment d’Infanterie, tué le 14 mai 1940 à Thelonne (Ardennes). Il est connu pour avoir composé le chant du soir des Éclaireurs et Éclaireuses israélites de France.
Gérard NAVARRE, né le 1/03/1916. Aspirant au 34ème régiment d’Artillerie, mortellement blessé le 9 juin 1940 à Nanteuil (Aisne). Cité à l’ordre de l’Armée : « Jeune et brillant chef de section qui, pendant la campagne, a affirmé de belles qualités de courage et d’abnégation. Le 9 juin 1940, a fait preuve d’un sang-froid remarquable : Commandant une section avancée, a repoussé à plusieurs reprises les assauts de l’infanterie ennemie qui attaquait ses pièces, encourageant ses hommes et aidant à la manœuvre. Très grièvement blessé à son poste de combat, a continué jusqu’à l’épuisement total à donner des ordres et à conseiller ses chefs de pièce. Mort des suites de ses blessures. »
Georges PIED, Lieutenant au 91ème régiment d’Infanterie, tué le 11 juin 1940 à Nanteuil La Fosse.
Jean PONTREMOLI, Lieutenant d’Artillerie au 28ème Régiment d’Artillerie Divisionnaire. Tué le 23 juin 1940. Ancien élève de l’École Centrale Paris, promotion 1926.
Ferdinand PRUNET-FOCH, né le 17/01/1917. Sous-Lieutenant d’Infanterie au 85ème Régiment d’Infanterie. Tué le 13 juin 1940 à Braine (Aisne). Mort pour la France.
André DE ROTON, né le 24/05/1913. Soldat au 19ème Groupe de Reconnaissance - Division d’Infanterie. Mort le 13 juin 1940 à Sarcelles (Seine et Oise).
Olivier ROY, né le 2/09/1913. Maréchal des Logis au 28ème Régiment d’Artillerie Divisionnaire, tué le 17 juin 1940 à Loury (Loiret), ancien élève de l’École Libre des Sciences politiques Paris.
Raymond SAINFLOU, né le 5/11/1918. Elève de l’École polytechnique. Sous-Lieutenant au 28ème Régiment de Chars de Combat. Tué le 26 août 1940 des suites de ses blessures à Limoges (Haute-Vienne). Cité à l’ordre de l’Armée, Chevalier de la Légion d’Honneur.
Charles SEBLINE, né le 18/06/1910. Lieutenant au 11ème Régiment de Dragons portés, tué le 18 mai 1940 à Valenciennes (Nord). Cité à l’ordre de la Division, Chevalier de la Légion d’Honneur. Ancien élève de l'École Libre des Sciences politiques.
Jean-Pierre SÉE, né le 18/03/1913. Soldat au 2ème sous-détachement de liaison franco-britannique, mortellement blessé le 12 janvier 1940 à Flastroff (Moselle). Cité à l’ordre de l’Armée : « Modèle de foi, de courage et de dévouement, toujours volontaire pour les missions périlleuses. Affecté sur sa demande à un poste tenu par des éléments franco-britanniques, est tombé face à l’ennemi en le défendant avec succès, donnant à ses camarades britanniques et français un magnifique exemple de bravoure et d’abnégation. »
Roland SERVAT, né le 1/05/1911. Élève de l’École polytechnique. Capitaine au 48ème Régiment d’Artillerie Divisionnaire, tué le 13 mai 1940 à Villers la Montagne (Meurthe et Moselle). Cité : « Excellent officier ayant fait preuve au cours de la campagne de belles qualités de bravoure, d’entrain et de bonne humeur. Parti volontairement pour effectuer une reconnaissance périlleuse dans la région de Villers la Montagne, en mai 1940. Est tombé glorieusement au cours de sa mission. »
Jean SPIRE, né le 22/11/1917. Soldat chasseur au 7ème Bataillon de Chasseurs Alpins, tué le 6 juin 1940 à Pinon (Aisne). Cité à l’Ordre de la Division : « Officier d’un calme et d’un sang-froid remarquables. Une partie du personnel dont il avait la charge étant isolée du régiment, a réussi à lui faire rejoindre un autre détachement déjà réorganisé, au milieu des embûches et des risques journaliers, en ramenant tous les isolés du régiment, rencontré sur la route et en assurant la nourriture à tout le détachement, malgré les grosses difficultés rencontrées. »
Pierre STORA, né le 19/09/1909, soldat au 1er Régiment de Dragons, tué le 12 mai 1940 à Burdinne (Belgique).
Claude SUCHY, né le 27/10/1918. Lieutenant au 41ème Régiment d’Artillerie coloniale mixte sénégalais. Tué le 7 juin 1940 à Beauvais (Oise). Cité à l’ordre de l’Armée : « Excellent officier. Le 5 juin 1940, à Lemesge, a brillamment conduit sa section à la contre-attaque d’un ennemi supérieur en nombre et en moyens. Au moment où, engagé au corps à corps, il atteignait avec ses hommes l’objectif assigné, a été blessé d’un coup à la baïonnette à la poitrine et d’une balle à la tête. Est mort le 7 juin des suites de ses blessures. »
Lucien YVES, Lieutenant d’Infanterie.
Marielle Vichot
Professeure honoraire d’Histoire
Secrétaire générale des Jansoniens
En suivant ce lien, vous découvrirez le livret édité par Le souvenir français : « 11 novembre 1940, les lycéens et les étudiants contre l’occupant ».
Pour mémoire, l'excellent livre d'Ivan Denys, Lycéen résistant (Ed. Signes et Balises)
L’Association amicale des anciens élèves du lycée Janson-de-Sailly, Les Jansoniens (AEJS), existe depuis 1891, sept ans après l’ouverture du lycée. Fidèle à la tradition de Janson qui a toujours cultivé l’excellence, le pluralisme, et porté haut les valeurs de la République, solidement ancrée dans les réalités du monde contemporain, Les Jansoniens sont délibérément tournés vers l’avenir, vers celles et ceux qui fréquentent aujourd'hui l'établissement, qui se préparent à animer, vivre et piloter le monde de demain. Les Jansoniens n'oublient pas pour autant celles et ceux "qui sont passés par Janson", ravis de retrouver avec Les Jansoniens des amis, un climat, une ouverture et une communauté d'esprit qui ont marqué de leur empreinte leur personnalité.
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