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Pierre Brossolette, supplicié des ombres*

Jean-Luc Simonin

Janvier 2004

Le 22 mars prochain se tiendra notre assemblée générale. La date a été fixée en raison du soixantième anniversaire de la mort de Pierre Brossolette. Un hommage lui sera rendu à cette occasion. Si nombre d’élèves et d’anciens élèves se sont engagés dans la Résistance, Pierre Brossolette demeure une figure emblématique de la lutte contre le nazisme. Retrouvons le parcours de cet homme hors du commun.

Un homme est admis le 22 mars 1944 à l’hôpital de la Pitié : il vient de se jeter du cinquième étage du 84, avenue Foch, le siège de la Gestapo. Grièvement blessé, il décédera quelques heures plus tard. Cet homme, au corps meurtri par la chute et par les tortures qu’il a subies, est Pierre Brossolette, qui a préféré se donner la mort plutôt que de parler. Ainsi se brise le destin de ce journaliste militant au parcours prometteur.
Cet esprit engagé et républicain, il le tient peut-être de son père, inspecteur de l’enseignement primaire, de tradition radicale. Celui-ci inculque très tôt à ses trois enfants les valeurs de la connaissance, du travail et de la République. À son domicile du 77, rue Michel-Ange, la bibliothèque est chargée de livres d’histoire. Dès l’école primaire, le petit Pierre, le benjamin né en 1903, montre des qualités que repère son instituteur : « Patient et réfléchi. Contrairement à la plupart de ses camarades, il cherche avant de répondre et tient à faire une réponse juste et sensée. »
Il entre à Janson en sixième et y fera toutes ses études secondaires. Cette rentrée se fera sous le signe du deuil, le petit Pierre venant de perdre sa mère. Malgré ce drame, les résultats scolaires de l’élève Brossolette restent excellents. Aux palmarès, il obtient régulièrement prix d’excellence et premières places dans toutes les matières. En première, il reçoit la médaille décernée par l’Association pour l’encouragement des études grecques. Il prépare au lycée Louis-le-Grand le concours d’entrée à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm où il est admis premier en 1922. Menant parallèlement des études de lettres et de droit, il est reçu en 1925 à l’agrégation d’histoire – trois ans après ses soeurs, Suzanne et Marianne –, juste derrière le major Georges Bidault et devant Louis Joxe.
À l’enseignement, il préfère le journalisme et, après son service militaire, entre à l’Europe nouvelle, puis au Quotidien où il se spécialise dans les questions internationales puis devient secrétaire général du journal. Cette même année, en 1927, il fête, avec Gilberte qu’il a épousée en 1926, la naissance de sa fille Anne et l’année suivante de son fils Claude.
Sa carrière journalistique continue au Progrès civique, à Notre Temps, à Excelsior – en tant que rédacteur en chef –, à Marianne, à Terre libre et au Populaire.
Cet intellectuel, militant du désarmement, défenseur de la SDN, adhère en 1930 à la SFIO. Il est rapidement remarqué par François Pietri, ministre des Colonies qui lui confie, au sein de son cabinet, les questions de la presse et de la communication. L’expérience dure quelques mois.
Dès lors, le combat politique de Brossolette sera mené sans relâche, malgré son échec dans l’Aube aux élections de 1936. En octobre, Léon Blum le charge de s’occuper de la rubrique de politique étrangère de la Radio nationale. Ses positions anti-munichoises virulentes et ses attaques contre la droite conduisent Daladier à le révoquer en janvier 1939.

Un intellectuel dans la tourmente de la guerre

Mobilisé avant la déclaration de guerre, le jour du pacte germano-soviétique, le 23 août 1939, le lieutenant d’infanterie Brossolette se bat vaillamment et évite à son unité, attachée à la garde du QG de la Ferté-sous-Jouarre, une retraite sanglante. Son attitude lui vaut d’être promu capitaine et décoré de la Croix de guerre. Malgré ces honneurs militaires, Vichy lui refuse, au moment de sa démobilisation fin août 1940, d’être enseignant en raison de son passé antifasciste. Afin de faire vivre sa famille, il achète la librairie du 89, rue de la Pompe en face du lycée. Ce lieu devient la couverture idéale pour ses activités de Résistance qu’il commence dès l’automne 1940 en intégrant le réseau du musée de l’Homme et devient le rédacteur en chef de Résistance. Après le démantèlement de son réseau, Pierre Brossolette rejoint le réseau du colonel Rémy (Gilbert Renault), la Confrérie Notre-Dame, où il est chargé de la section presse et propagande, sous le nom de Pedro.
Il signe son engagement dans les Forces françaises libres le 1er décembre 1941. Tout en prenant des contacts avec les mouvements Libération-Nord et Organisation civile et militaire (OCM), il rédige des rapports destinés à informer Londres de la situation en France.

À Londres devant les locaux de Carlton Gardens.
© Collections du Musée de l’Ordre de la Libération, Paris.

Son premier départ pour Londres a lieu le 27 avril 1942 à bord d’un des tout premiers avions Lysander. Il y est reçu à plusieurs reprises par le général De Gaulle et, du fait de sa connaissance des mouvements de Résistance, rédige plusieurs rapports pour le Bureau central de renseignements et d’action (BCRA). Le socialiste convaincu devient gaulliste « pour le temps de guerre ».
De retour en France, Brossolette établit des contacts politiques, obtient le ralliement notamment de Charles Vallin ou Louis Vallon, permet la fuite d’André Philip. Cette activité augmente inévitablement les risques. La Gestapo perquisitionne régulièrement sa librairie, son fils âgé de 14 ans est arrêté et interrogé pendant vingt-quatre heures. Gilberte Brossolette est obligée de revendre la librairie et de rejoindre l’Angleterre avec ses enfants, en septembre 1942, après un périple par Marseille et Gibraltar.

L’organisation des instances de la Résistance

Pendant ce temps, Pierre devient l’adjoint du colonel Passy (André Dewavrin) au BCRA et prend la tête du service chargé de faire le lien entre résistance intérieure et extérieure. Fait Compagnon de la Libération le 17 octobre 1942, en même temps que Jean Moulin, et nommé membre du Conseil de l’ordre de la Libération, il organise avec Passy les missions Arquebuse et Brumaire dont le but est de coordonner les mouvements de la zone Nord et de rechercher les cadres d’une future administration provisoire. Parachutés en janvier 1943, tous deux sont de retour à Londres le 16 avril et rendent compte de leur mission.

À cette occasion, un conflit naît entre Jean Moulin et Pierre Brossolette. Le 26 mars 1943, Pierre Brossolette prend l’initiative de réunir, dans un comité de coordination, cinq mouvements et organisations politiques de la zone Nord, dont le PC et le Front national qui se trouve ainsi reconnu comme organisation distincte du PC. Jean Moulin lui reproche de n’avoir pas favorisé la création du Conseil national de la Résistance. En fait, deux conceptions s’opposent : d’un côté Brossolette, hostile à un poids trop important des partis politiques au sein du CNR, est partisan d’un renouveau politique à la Libération ; de l’autre Moulin estime que la représentativité politique est le seul moyen pour la France libre d’exister face aux Alliés.
Le journaliste prend aussi la parole sur les ondes de la BBC, remplaçant au micro une quarantaine de fois Maurice Schumann, lui aussi ancien élève de Janson. Il y parle des « soutiers de la gloire », ceux qui oeuvrent dans l’ombre au sein de la Résistance, et y lit ses chroniques. Après l’arrestation du général Delestraint, puis celle de Jean Moulin, il faut réorganiser les réseaux et installer le nouveau délégué général du Comité français de Libération nationale (CFLN) auprès du CNR, Émile Bollaert. Brossolette part donc le 19 septembre pour être parachuté en France. Sa mission se prolongeant, il reçoit l’ordre de retourner à Londres. Le Lysander envoyé pour les récupérer, Bollaert et lui, ne peut parvenir jusqu’à eux en raison de l’activité intense de la chasse nazie. Une évacuation par bateau à partir de la Bretagne est décidée. Malheureusement le gros temps provoque l’échouage en baie d’Audierne de la barque de pêche sur laquelle ils ont embarqué.
Réfugiés chez un résistant à Plogoff, ils sont arrêtés lors d’un simple contrôle routier. Ils sont incarcérés sous une fausse identité à la prison de Rennes le 5 février. La Gestapo mettra six semaines avant de les identifier. Interrogé à Rennes le 19 mars, aussitôt transféré à Paris, Pierre Brossolette est torturé au siège de la Gestapo. Profitant d’un moment d’inattention de ses tortionnaires, il saute du cinquième étage. Le 24 mars, son corps est incinéré au cimetière du Père-Lachaise. Pierre Brossolette n’aura livré ni ses compagnons ni ses secrets.

* Formule empruntée au discours d’André Malraux prononcé lors de l’entrée des cendres de Jean Moulin au Panthéon, le 19 décembre 1964.




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